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PRESENTATION DE LA COUR DE CASSATION

 

Faire une présentation de la Cour de cassation dans sa situation actuelle nécessite une démarche préalable consistant à jeter un regard panoramique sur le passé de cette juridiction supérieure de cassation dans notre pays investie, on le sait, par les textes constitutionnels de la mission d’examen en dernier ressort des questions et ou litiges relevant du droit judiciaire ou du droit privé de façon générale.

 

I  DONNEES HISTORIQUES SUR LA COUR DE CASSATION

Pour bien comprendre cet historique, il convient de distinguer soigneusement entre deux périodes : celle qui précède directement l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, et celle qui s’est ouverte depuis lors et que l’on désignerait par « la période nationale ».

LA PERIODE COLONIALE

La colonisation française avait introduit dans l’ancienne Haute-Volta un dualisme juridictionnel au plan de l’organisation judiciaire, lequel dualisme reflétait une dualité des droits. Le colonisateur avait trouvé sur place un système juridique traditionnel de type politique dans lequel la justice était rendue par le chef coutumier qui concentrait entre ses mains les pouvoirs de « commander » et de « juger ». Guidé par un réflexe centralisateur et unificateur de l’ordre juridique, le colonisateur français allait tout de suite tenter de procéder à une unification du système juridique. La promulgation du code civil au Sénégal (la capitale de l’Afrique occidentale française d’alors) par un arrêté du 5 novembre 1830 constitue l’expression la plus achevée de cette démarche. Mais face à la résistance acharnée des populations colonisées attachées à la reconnaissance de leurs coutumes, un modus vivendi fut trouvé par la consécration d’un dualisme juridique, c’est-à-dire la reconnaissance de deux systèmes juridiques distincts : l’un calqué sur le droit français, et l’autre issu des sociétés traditionnelles.

Sur le plan de l’organisation judiciaire, deux types de juridictions (les juridictions de droit écrit et les juridictions de droit local ou coutumier) ont été institués ; pendant que les juridictions de droit local appliquaient le droit coutumier, celles de droit écrit appliquaient le droit étatique légiféré. L’organisation judiciaire de droit écrit était inspirée du modèle de la Métropole : justices de paix, tribunaux de première instance, cours d’appel et Cour de cassation.

LA PERIODE NATIONALE

Celle-ci commence, comme on l’imagine tout à fait aisément, à partir du 5 août 1960, date à laquelle le pays, après avoir obtenu son indépendance politique de l’ancienne puissance coloniale, accède à la souveraineté internationale. L’histoire de la juridiction supérieure de cassation burkinabè, comme de l’ensemble des juridictions nationales, devait être considérablement affectée par l’évolution très mouvementée de la vie politique nationale à travers les différents régimes politiques, constitutionnels ou non, que le pays a connus.

Relativement aux différents textes ayant régi l’Institution judiciaire, l’on ne peut qu’être impressionné par l’avalanche des textes qui ont été successivement adoptés comme pour faire face à des circonstances tout à fait ponctuelles ; l’on mentionnera dès lors, et sans même prétendre être exhaustif sur la question :

 

- La loi n° 10/63/AN du 10 mai 1963 relative à la Cour suprême :

Cette loi est adoptée en complément de la loi n° 9/63/AN du même jour relative à l’organisation judiciaire, elle-même adoptée dans le cadre de la Constitution de la première République. Elle met en place une Cour suprême regroupant en son sein quatre chambres spécialisées respectivement dans les questions constitutionnelle, administrative, judiciaire et financière ; elle fera, par la suite, l’objet de nombreuses réformes plus ou moins profondes selon les périodes et surtout en fonction de la conjoncture politique.

 

 - Les différentes réorganisations de l’Institution judiciaire :

 Les toutes premières réformes judiciaires intervenues (loi n° 17/65/AN du 28 juillet 1965 et n° 3/79/AN du 28 mai 1979) n’affectent que sur des points mineurs la philosophie générale de la loi du 10 mai 1963 qui se bornait à reproduire l’organisation judiciaire antérieure, tant de droit écrit que de droit local. Pour l’essentiel, il s’est surtout agi d’adapter l’ordre judiciaire coutumier aux nouvelles institutions judiciaires nées de l’Indépendance en instituant le pourvoi en cassation devant la nouvelle Cour suprême, en lieu et place de l’ancienne Chambre d’annulation de l’AOF.

La première réforme d’envergure de l’Institution judiciaire se produit avec l’avènement du Pouvoir révolutionnaire en 1983 qui, proclamant le caractère néocolonial de celle-ci, lui substitue des institutions davantage en phase avec la nouvelle orientation idéologique à l’ordre du jour ; des juridictions populaires voient ainsi le jour ; la Cour suprême ne sera pas épargnée par cette vague déferlante qui l’emportera le 26 avril 1984, non sans mettre en place, par deux ordonnances du même jour (ordonnances n° 84-18/CNR et n° 84-19/CNR du 3 mai 1984), deux Hautes cours chargées respectivement de gérer, en dernier ressort, des questions et contestations relevant, soit du droit public (pour la Haute cour d’Etat), soit au droit privé (pour la Haute cour judiciaire) ; on l’aura compris : c’est la Haute cour judiciaire qui remplace désormais la défunte Cour suprême.

La situation dure ainsi jusqu’en 1991, année d’adoption de la Constitution de la IVème République et au cours de laquelle il fut décidé de ressusciter la Cour suprême qui avait été supprimée en 1984 ; le nouveau contexte politique, né de la fin du régime révolutionnaire intervenue le 15 octobre 1987, plaidait en faveur de cette nouvelle évolution qui devait se matérialiser par l’adoption d’une série de trois ordonnances du 26 août 1991 consacrant la réhabilitation du droit antérieur : le « Conseil supérieur de la magistrature » (CSM) qui avait été supprimé en 1985 revient à la vie (première ordonnance) ; les magistrats sont dotés d’un nouveau statut leur garantissant toute une série de droits et libertés publiques (deuxième ordonnance) et, surtout,  la Cour suprême, qui avait été supprimée en 1984, renaît (troisième ordonnance).

La dernière réorganisation de l’Institution intervient dans le courant de l’année 2000, non sans que l’évolution de la vie politique nationale y ait contribué ; en effet, dans le contexte de la crise politico-sociale consécutive à la disparition, le 13 décembre 1998, du journaliste d’investigation Norbert ZONGO   , la vie de l’Etat s’était littéralement arrêtée et parmi les nombreuses mesures préconisées par les structures mises à contribution pour débloquer la situation (et notamment le Collège de sages), figurait la nécessité de réorganiser l’appareil judiciaire ; une des idées forces qui avaient été avancées dans cette optique était que l’autonomisation des différentes formations regroupées au sein de la Cour suprême pouvait être de nature à améliorer substantiellement l’indépendance de l’Institution et de la mieux outiller, pour ainsi dire, pour pouvoir examiner efficacement les différentes causes qui lui étaient soumises. Très rapidement le consensus se forma autour de cette idée et la réforme fut très vite actée : la révision de la loi fondamentale intervient le 11 avril 2000, ouvrant ainsi la voie à l’autonomisation des différentes Chambres. Et c’est ainsi que la Cour de cassation vit le jour à la faveur de la loi organique n° 13-2000/AN du 09 mai 2000. Une loi qui devait recevoir quelques jours plus tard son onction du tout nouveau Conseil constitutionnel. La juridiction allait devenir pleinement opérationnelle à partir de l’année 2002.

Dans son état actuel, la Cour de cassation est régie par la loi organique n° 018-2016/AN du 26 mai 2016 portant composition,  organisation, attributions et fonctionnement et procédure applicable devant elle. Cette loi abroge et remplace celle adoptée le 9 mai 2000.

 - Les premiers responsables de l’Institution judiciaire à travers l’Histoire

Tout au long de la période nationale et ce jusqu’à l’année 2000, l’Institution judiciaire suprême a été présidée successivement par les magistrats dont les noms suivent:

  • Nomba OUEDRAOGO  de 1964 à 1966 ;
  • Charles Sériba TRAORE de 1966 à 1980 ;
  • SAWADOGO Hamidou Emile de 30 mai 1980-1981
  • Paul NIKIEMA de 31 janvier 1981 à 1983 ;
  • LOMPO Benoît Miyemba de 29 septembre 1983 à 1984 ;
  • TOE Barthélémy de 1991 à 1996 ;
  • KOMY Sambo Antoine de  1996 à 2002.

La période qui court entre 1984 et 1991 et qui  correspond pour une grande part à l’ère révolutionnaire s’est caractérisée par la toute première suppression de la Cour suprême, et son remplacement par les deux Hautes cours (judiciaire et d’Etat) créées en mai 1984.

Depuis la mise en place de la Cour de cassation intervenue au cours de l’année 2002, celle-ci a vu se succéder à sa tête les magistrats Cheick OUEDRAOGO (de  2002 à 2010),  Abdouramane BOLY (de 2010 à 2014),  Thérèse TRAORE née SANOU (2014 à 2019). 

A l’heure actuelle c’est le magistrat Jean Mazobé KONDE qui dirige la structure depuis sa nomination intervenue le 23 juillet 2019 par Décret n° 2019-0787/PRES/MJ/MINEFID.